Est-il facile de jouer les Beatles à la guitare ?

Voici une question que des générations entières de guitaristes ou de futurs guitaristes se sont posée depuis les années soixante à nos jours.

En effet, les Beatles sont le groupe qui a peut-être, plus que tout autre, suscité et généré le plus de vocations dans toute l’histoire de la musique rock. Si ceci apparaît plus qu’évident, la réponse à la question posée demeure cependant plus nuancée et plus compliquée. Je me rappelle très clairement aujourd’hui qu’avant même de suivre des cours de guitare, je m’étais procuré un songbook des Beatles (c’était avant l’apparition d’internet) pour essayer de jouer les chansons de mon groupe préféré sur une simple guitare acoustique, d’abord, et progressant peu à peu dans l’apprentissage de l’instrument je m’émerveillais de commencer à pouvoir interpréter ces chansons avec l’aide de quelques accords seulement. Je jouais des titres comme Love Me Do, A Hard Day’s Night, Can’t Buy Me Love, Get Back, avec un plaisir toujours croissant.

Mais plus j’avançais dans ma recherche à la fois de dompter la guitare et d’exécuter les morceaux qui me plaisaient le plus, plus je découvrais des choses nouvelles et plus s’ouvrait à moi un monde enchanté que je découvrais progressivement au fil de mes investigations : d’abord des choses simples comme la partie de guitare de And I Love Her, puis plus compliquées, comme celle de Day Tripper ou de Michelle, et plus je pénétrais dans cette forêt magique qu’est la musique des Beatles, plus de belles choses apparaissaient et simultanément, plus je commençais à maîtriser mon instrument. 

Car la musique des Beatles a ceci de particulier qu’elle recèle des arrangements toujours différents, innovants aussi pour l’époque, et toujours à la fois d’une grande richesse et d’une grande sobriété. C’est précisément cette simplicité apparente qui fait que souvent, et pour certains, la musique des Beatles semble facile à jouer. 

Des années plus tard, quand je suis devenu le guitariste du groupe The Rabeats, il m’a fallu me rapprocher plus encore des parties de guitare des Beatles, et j’ai pu mesurer ainsi tout le raffinement et toute la diversité créative de celles-ci.

Cette étape décisive a été pour moi la source d’une évolution constante en tant que musicien. Après avoir écumé pendant vingt ans toutes les grandes scènes de France et avoir beaucoup joué à l’étranger, j’interprète encore aujourd’hui ces parties de guitare avec la même délectation que celle que j’éprouvais le premier jour. 

Qu’en est-il de George Harrison ?

Si dans le cadre de cet article nous allons examiner plus particulièrement les parties de guitare de George Harrison, il ne faut surtout pas oublier que les Beatles sont un groupe constitué de deux guitares, d’une basse et d’une batterie. 

Les parties de guitare de John Lennon, que l’on considère comme le guitariste rythmique du groupe, sont d’ailleurs d’une parfaite exécution et d’une grande efficacité, ses pickings, comme dans Julia, Dear Prudence ou Happiness Is A Warm Gun sont d’une beauté et d’une qualité accomplies, comme le sont également ses rythmiques, dans All My Loving ou Revolution, son riff dans I Feel Fine, ses arpèges dans I Want You ou Because notamment. 

Il faut préciser ici que ses pickings ont ceci de particulier que c’est toujours la corde de La qui est toujours jouée en premier, même si la fondamentale de l’accord se trouve sur la corde de Mi. Certains solos sont même joués par Lennon, comme par exemple celui de Get Back ou même celui de For You Blue, exécuté en guitare slide. 

La partie de guitare de I’ve Got A Feeling, tout comme celle de Revolution constituent des exemples du talent souvent sous-estimé, ou pour le moins méconnu de John Lennon en tant que guitariste. 

Quant à Paul McCartney, bien qu’étant le bassiste attitré des Beatles, il faut rappeler qu’il était avant tout guitariste au sein du groupe avant le départ du précédent bassiste, Stu Sutcliffe en 1961, et qu’il joue également des parties très intéressantes de guitare comme celle de Blackbird, très difficile à exécuter parce que jouée d’une façon très personnelle et propre à lui, ou même le solo de guitare de Taxman notamment, qui est pourtant un morceau composé par Harrison, ainsi qu’une des trois guitares du solo final de The End

Pour ce qui concerne les suites d’accords des morceaux, si comme je l’ai évoqué précédemment certains morceaux apparaissent de prime abord d’une grande simplicité, surtout lors des premières années, d’autres en revanche apportent des complications croissantes comme c’est le cas pour While My Guitar Gently Weeps, Penny Lane, I Am The Walrus ou Something, par exemple. Mais c’est au cœur même des morceaux que nous allons puiser les choses les plus intéressantes, dans les arrangements, les gimmicks, les interventions, les phrasés et les solos de guitare. 

À propos des arrangements

On ne peut pas omettre de mentionner ici George Martin, considéré à juste titre par certains comme le cinquième Beatle, et qui, provenant d’une formation classique a su apporter au groupe une dimension nouvelle avec des arrangements magnifiques, surtout dans les parties de cordes comme dans Yesterday, Eleanor Rigby, You Never Give Me Your Money ou Good Night, ou de cuivres comme dans Got To Get You Into My Life ou Martha My Dear, et même dans sa participation directe sur les disques des Beatles en tant qu’instrumentiste, comme pour le solo de piano de In My Life, de Good Day Sunshine ou de Lovely Rita notamment, ou même la partie de clavecin de Fixing A Hole. Mais considérons désormais ce qu’il en est de George Harrison.

Les influences de Harrison apparaissent très diverses et éclectiques, elles s’étendent de Andrés Segovia à Ravi Shankar, en passant par Django Reinhardt, George Formby, Chuck Berry, Buddy Holly, Scotty Moore, Carl Perkins, Chet Atkins ou Curtis Mayfield. Norwegian Wood, titre dans lequel il a introduit une partie de Sitar, constitue l’un des premiers exemples du genre dans la musique occidentale. 

L’apprentissage du Sitar auprès de Ravi Shankar a bouleversé sa vie à la fois en tant que musicien que spirituellement. Les innombrables heures et nuits passées à jouer sur des scènes de Hambourg de 1960 à 1962, avec l’aide d’amphétamines pour tenir le coup ont bien sûr joué un rôle décisif dans la solide formation musicale des Beatles, forts alors d’une expérience incomparable et prêts à affronter le monde. Mais ce qui a motivé et contribué à la recherche constante et perpétuelle de toujours nouveaux arrangements de guitare, on le doit encore une fois en grande partie au rôle incontournable de George Martin qui a été le moteur inépuisable de la musique du groupe en studio, puis quand les Beatles ont cessé les concerts fin novembre 1966, cette tendance s’est encore accentuée et amplifiée, comme on peut l’observer avec les albums SGT. Pepper’s Lonely Hearts Club Band et Magical Mystery Tour. Mais considérons désormais les multiples facettes du jeu de George Harrison à travers quelques exemples de morceaux.

George Harrison apparaît aussi à l’aise dans des rock and rolls classiques comme Roll Over Beethoven (Chuck Berry) ou Long Tall Sally (Little Richard) dans lesquels sa maîtrise de la guitare se révèle sans faille, que sur une guitare cordes nylon avec un morceau comme Till There Was You où il interprète un solo d’une musicalité et d’une fluidité parfaites. Quand sort One After 909, joué en janvier 1969 sur le toit de la maison Apple, bien que la musique des Beatles ait changé à cette époque, Harrison montre qu’il a su conserver toute sa culture rock and roll dans ce qui est peut-être un de ses meilleurs solos. Pour ce qui est des solos, il faut mentionner ceux de Hey Bulldog, Old Brown Shoe, Let It Be, Something, Octopus’s Garden qui tous, démontrent une technique et une maîtrise parfaites de l’instrument, et qui dévoilent une évolution musicale progressive depuis les pourtant magnifiques solos de All My Loving ou Nowhere Man. Il est à remarquer qu’après son retour d’Inde et son apprentissage assidu du sitar, il a multiplié l’emploi des bends (technique omniprésente dans la pratique du sitar) dans son jeu. Quant au solo de Honey Pie, il offre l’exemple de l’aptitude de Harrison d’exécuter un solo de jazz. On peut aussi rappeler que le magistral solo de While My Guitar Gently Weeps est l’œuvre de son ami proche Eric Clapton.

Dans A Hard Day’s Night, Harrison utilise une guitare 12 cordes, une Rickenbacker 360/12 pour le solo qui a été enregistré au ralenti puis accéléré pour l’effet tout particulier voulu, il a de plus été doublé par George Martin au piano. 

George Harrison playing his Rickenbacker.

Help! nous montre l’exemple des prouesses techniques de Harrison avec le riff de guitare très rapide qui précède chaque couplet, Gary Moore lui-même était en admiration devant ce phrasé.

Pour And Your Bird Can Sing, Harrison a composé un thème d’une très grande qualité à la fois mélodique et harmonique, thème harmonisé à la tierce et dont Paul McCartney joue la deuxième voix, car les enregistrements étaient encore réalisés en quatre pistes à cette époque (1966), de fait ce thème prégnant fait tout l’intérêt du morceau et lui donne sa couleur particulière. 

Strawberry Fields Forever marque l’apparition du jeu en slide que Harrison va perfectionner vers la fin de 1969 alors qu’il tourne brièvement avec Delaney & Bonnie et qui deviendra les années suivantes partie intégrante de la quintessence de son jeu, au point que Ry Cooder le considère comme l’un des plus grands dans ce domaine. 

Les arrangements de Harrison ont ceci de particulier qu’ils installent à chaque fois quelque chose de nouveau, une atmosphère différente ; dans Everybody’s Got Something To Hide Except For Me And My Monkey, il y a ce riff rock blues qui accompagne tout le morceau en lui conférant une grande énergie et une grande force, dans Dear Prudence il y a ces phrases octaviées, qui font l’admiration de Ian MacDonald, et qui concrétisent l’apothéose du morceau d’une manière magistrale, ces arpèges en notes piquées dans Oh Darling qui apportent tellement à la couleur du titre, et toutes ces interventions somptueuses dans You Never Give Me Your Money et dans tout l’album Abbey Road. 

Here Comes The Sun offre l’exemple d’une magnifique et complexe rythmique en arpèges jouée au médiator sur une guitare acoustique avec un capodastre placé en septième position et démontre une fois encore les talents de compositeur et de guitariste de George Harrison.

Conclusion

L’héritage que George Harrison a légué en tant que guitariste, depuis la fin des années soixante jusqu’à aujourd’hui est sans équivalent et reflète bien les qualités infinies de son jeu. On ne pourrait établir une liste exhaustive des innombrables musiciens qu’il a influencés ; citons entre autres : Brian May, Johnny Marr, Gary Moore, Peter Frampton, John Frusciante, Dave Grohl, Noel Gallagher. 

Steve Lukather, dans son autobiographie, The Gospel According To Luke, explique que c’est George Harrison qui lui a inoculé la soif inextinguible de devenir guitariste alors qu’il n’avait que six ans, après avoir regardé les Beatles passant au Ed Sullivan Show à la télévision en février 1964. 

Harrison est considéré universellement comme un guitariste qui a exercé une influence majeure sur la musique pop-rock et qui a marqué l’univers musical à venir de son sceau éternel. Ses arrangements si variés et protéiformes, toujours d’une justesse et d’une méticulosité incroyables ont sublimé les compositions du duo Lennon/McCartney en leur apportant cette dimension supplémentaire nécessaire à toute grande œuvre. 

Si les Beatles ont véritablement posé les bases de ce que l’on nomme aujourd’hui le rock ou la pop, George Harrison a, quant à lui, défini et inscrit la part que prenait la guitare en tant qu’instrument dans ce genre musical.

Aussi, la difficulté de jouer les parties de guitare des Beatles réside pour une grande part à la fois dans le style propre à chacun de musiciens, Harrison, Lennon et McCartney, qui, n’ayant pas reçu de formation musicale à proprement parler, ont su développer une façon de jouer particulière qui leur est personnelle, et donc compliquée à reproduire, mais également dans la complexité, dans la multiplicité de styles et techniques employés, dans la subtilité, la précision et la propreté d’exécution.

Et en définitive, pour répondre à la question : « Est-il facile de jouer les Beatles à la guitare ? », on répondra par la négative. 

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